Né le 11 octobre 1924 à Chungjin, Corée du Nord

 

 

Décédé le 11 avril 2006 à Séoul, Corée du Sud

Formé au Japon dans les arts plastiques, Shin Sang-ok travaille en Corée du Sud, à Hong Kong (épisodiquement pour la Shaw Brothers) et en Corée du Nord. Il est aussi producteur aux USA. Auteur de plus de 50 films, il est l’une des très fortes personnalités du cinéma de la Corée du Sud, dans les années 1950 et 1970. Il contribue aussi, sous la contrainte, à la rénovation difficile du cinéma en Corée du Nord.

 

Né dans l’actuelle Corée du Nord, Shin étudie la peinture occidentale à Tokyo. Les premières bombes américaines précipitent son retour en Corée. Il croise alors Choi Eun-hee qui devient son épouse et actrice favorite. Il débute en 1952 avec Evil Night et enchaîne ensuite les succès. La Shin Cine/Shin Films/Seoul Studio devient dans les années 1960 le plus important studio d’Asie du Sud-Est, avec ceux de Cleerwater Bay à Hong Kong où s’installe la Shaw Brothers, apparus à peu prés à la même époque.

 

A Séoul, Shin emploie environ 300 personnes. Il tourne lui-même trois ou quatre films par an. Il en produit un vingtaine d’autre dans lesquels il intervient parfois comme scénariste, directeur de la photo, cadreur ou décorateur. Choi Eun-hee, supervise souvent la direction des acteurs. Entrepreneur industriel par le nombre de ses productions, Shin est aussi, au sein de son studio et d’une industrie renaissante après les destructions de la Guerre de Corée, un formateur, capable d’exercer lui-même plusieurs fonctions techniques et créatrices, et par là même un artisan incontournable de la reconstruction de l’industrie cinématographique coréenne, désormais coréenne du Sud.

 

Metteur en scène-producteur vedette de son pays, Shin Sang-ok est, pendant un temps, plutôt dans les bonnes grâces du pouvoir. Mais il  est littéralement mis à pied par le dictateur Park Chun-hui dans les années 1970 pour avoir protesté contre la censure fréquente des films et suggère de remplacer les séquences coupées par des plans noirs. Shin doit fermer son studio en 1974. Ses compétences multiples éveillent sans doute l’intérêt de la Corée du Nord qui a besoin d’un dirigeant de studio, capable d’encadrer des équipes pour professionnaliser une industrie balbutiante dans un pays dont l’image internationale est très négative.

 

Au cours d’un exil forcé au Japon, ensuite à Hong Kong, Choi Eun-hee puis Shin Sang-ok sont enlevés en 1978 par les services secrets de la Corée du Nord. Dans des conditions rocambolesques. Celles de leur évasion, en 1986, le sont tout autant. Il y plane encore des zones d’ombre, quand on considère la réputation d’excellence des services secrets du président Kim, dictateur de la Corée du Nord. Toujours est-il que Shin et Choi tournent sept films en Corée du Nord, tel que Pulgasari, The Iron-Eating Monster qui sont sélectionnés dans différents festivals internationaux (Karlovy Vary, Moscou, …).

 

Son séjour aux Etats-Unis qui suit est seulement marqué par des productions très alimentaires (souvent pour les enfants, à travers des aventures de Ninjas), tournées au sein de la communauté coréenne-américaine. Revenu à Séoul, le cinéaste et son épouse assurent la direction d’une Ecole privée de cinéma et entreprennent de récupérer progressivement les droits de leurs films et leurs négatifs.

 

Avec presque quarante ans de retard et malgré l’inertie des structures officielles cinématographiques de la Corée du Sud, on peut enfin découvrir en Europe les qualités d’entrepreneur de Shin et surtout ses réelles qualités de metteur en scène : sa maitrise narrative, sa force dramatique, sa direction d’acteurs (souvent centrée sur la personnalité de Choi Eun-hee, qui interprète le premier rôle de la plupart de ses films à partir d’Une Fleur en enfer en 1958), son sens plastique indiscutable, que l’on retrouve notamment dans The Evergreen Tree (1961), Yongsan (1961 et 1962), Le Riz (1963), Les Eunuques (1969). Technicien innovant, Shin est le premier cinéaste coréen à utiliser le scope couleur dans sa version de Chunhyang en 1961 et il n’hésite pas à recourir à des techniques complexes d’effets spéciaux.

 

Un film comme L’Arche de chasteté (1962) resitue le cinéaste dans deux dimensions fondamentales. Bien que Shin se dise lui-même confucéen, le film a des visées sociales anti-confucéennes très marquées. Il défend l’épanouissement individuel (notamment sexuel) dans l’environnement d’une société conservatrice, ce qu’est justement la Corée du Sud dans les années 1960 de la dictature militaire. Cela permet de comprendre comment ses films peuvent entrer en conflit avec le régime : The Evergreen Tree, par sa pédagogie collectiviste, exprime des idées sociales peu acceptables pour un pouvoir conservateur. En deuxième lieu, à travers notamment L’Arche de chasteté, le cinéaste prouve qu’il sait remarquablement exprimer répressions et désirs, par une mise en scène de tensions, constamment entre équilibres et déséquilibres. Il utilise fréquemment des compositions en diagonale dans le cadre anamorphique, qui ont une justification profonde par leur construction, leur intégration à l’action, le mouvement, l’énergie, le jeu contrôlé des acteurs. Quelques années plus tard, il va en trouver l’équivalent dans les films en couleurs, comme Les Eunuques, où le procédé nouveau n’est pas seulement un apport décoratif, mais un élément supplémentaire de dramaturgie.

 

D’un point de vue technologie, artistique et économique, Shin est ainsi durant vingt ans un éclaireur pour tout le cinéma sud-coréen, ouvrant la voie à toute une industrie. Jusqu'à ce que la dictature interrompe sa course…

 

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