- Tu frapperais une femme ? 

- Oui

(Ixienne face au Capitaine Gordon, Godzilla: Final Wars)

 

Les films de monstres japonais ont toujours fait la part belle aux monstres et à la destruction de maquettes des grandes villes du monde.

 

Hormis les scènes se déroulant sur des îles paradisiaques (les plans sur l’île de Faro dans King Kong Vs. Godzilla, les passages sur l’île Letchi dans Ebirah, Horror of the Deep, les différentes scènes sur Monster Island ou sur l’île de l’Infant), le seul exotisme des films était déchargé par des scénarios mettant en scène des invasions extraterrestres, à la différence des films américains qui mettaient en avant l’exotisme grâce à des actrices sublimes, plus tard nommées « Scream Queen » (par exemple, Fay Wray incarnant Ann Darrow dans la première version de King Kong, en 1933).

 

Néanmoins, certains films firent l’égérie des plus belles actrices de leur génération, ou alors tout simplement en confiant le rôle principal à une femme.

 

N.B. : Afin d’être le plus clair possible, ce dossier ne traitera que des films de monstres des studios Toho et Daiei.

 

 

I/ Les Scream Queen

 

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Jamie Lee Curtis dans Halloween (1978)

Avant d’entrer dans le sujet qui nous intéresse, il est intéressant de faire la différence avec ce que nous appelons les Scream Queen. Le site Nanarland propose donc une excellente définition du terme, que voici :

 

Il s’agit d’une actrice tenant régulièrement des rôles principaux dans des films d'horreur. Le terme dérive des hurlements que poussent souvent les victimes dans les films de ce genre, bien que les actrices désignées par ce terme ne jouent pas forcément des rôles de victimes. Bien que le terme désigne souvent des actrices de série B, il faut se souvenir que Jamie Lee Curtis fut considérée comme une Scream Queen suite à ses rôles dans Halloween et Le Monstre du train avant de devenir une comédienne de renom. Fay Wray, l'héroïne du premier King Kong, est considérée comme l'ancêtre des Scream Queens.

 

Certaines Scream Queens accèdent parfois à des statuts d'actrices-culte, comme Michelle Bauer ou Brinke Stevens dans les années 1980. La plus connue est probablement Linnea Quigley. Cette dernière s'auto-parodie souvent, notamment dans Mutronics, où elle n'apparaît que le temps de pousser un très long hurlement.

 

II/ Japon, Age d’or

 

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La grande période des sixties-seventies fait état d’une certaine classe du cinéma japonais qui n’existera plus les décennies d’après. Suivant le chemin ouvert par Naruse et ses films réhabilitant le personnage féminin, la femme devient un personnage divin, empli de mystère. L’introduction de personnages féminins dans les films de monstres japonais se fera progressivement, et le plus souvent ces femmes sont liées à une sorte d’exotisme. On peut par exemple citer le personnage de Fumiko Sakurai dans King Kong Vs. Godzilla, qui devient l’objet de tous les désirs du singe géant, comme l’était Fay Wray dans le King Kong original. Elle est interprété par l’actrice Mie Hama, l’une des trois plus grandes actrices de la Toho durant l’Age d’or. Cette actrice a joué dans plus d’une cinquantaine de films pour le compte la Toho, dont deux kaijus eiga (Fumiko dans King Kong Vs. Godzilla et Madame Piranha dans King Kong Escapes), sans oublier qu’elle incarne Kissy Suzuki, l’une des James Bond girls dans You Only Live Twice, en 1967.

 

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Ci-dessus : Mie Hama et Akiko Wakabayashi dans You Only Live Twice

Ci-dessous : Les deux actrices aux côtés Sean Connery (à gauche : Mie Hama)

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Une autres de ces grandes actrice de l’âge d’or est l’actrice Akiko Wakabayashi. Souvent associée aux kaijus eiga, cette actrice, également présente dans You Only Live Twice (elle incarne Aki), incarne Tamiye dans King Kong Vs. Godzilla (elle croise donc une nouvelle fois Mie Hama), puis en 1964, on la retrouve dans deux films : elle interprète Selina Salno, la princesse de Sergina dans Ghidorah, the Three-Headed Monster et Hamako dans Dogora: The Space Monster.

 

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Kumi Mizuno

Mais la plus grande actrice de l’âge d’or du studio reste sans conteste la belle (que dis-je, la sublime) Kumi Mizuno. Cette grande actrice du cinéma fantastique japonais qui illumina de sa beauté nombre de films de la Toho représente pour beaucoup de fans, à elle seule le cinéma fantastique du pays du Soleil levant. A tel point que le personnage de Yoko Tsuno (créé par Roger Leloup) semble reprendre certains traits de l’actrice.

 

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Le personnage de Yoko Tsuno

 

On a pu voir Kumi Mizuno dans nombre de production de la firme nippone. Sa première apparition dans un kaiju eiga a lieu en 1962, en incarnant Takiko Nomura dans Gorath ; avant de la retrouver en 1963 dans Matango, puis dans Frankenstein Conquers the World (1965), Invasion of Astro-Monster (1965 toujours), Ebirah, Horror of the Deep (1966) et dans War of the Gargantuas (la même année). Notons que son rôle de Miss Namikawa, l’agent Xillienne dans Invasion of Astro-Monster reste aux yeux des fans son rôle le plus connu (d’ailleurs, qui n’est pas tombé amoureux en la voyant, revêtue de sa combinaison spatiale ?). On ne reverra pas Kumi Mizuno dans un kaiju eiga avant les années 2000, où elle incarne le premier ministre Machiko Tsuge dans Godzilla X MechaGodzilla (2002), avant de la retrouver aux côtés d’Akira Takarada et Kenji Sahara dans Godzilla: Final Wars, en 2004, où elle incarne le Commandant Namikawa (en référence à son personnage dans Invasion of Astro Monster).

 

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Quelques uns des rôles de Kumi Mizuno (de gauche à droite : Matango, Ebirah, Horror of the Deep et Invasion of Astro-Monster)

 

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Enfin, on ne peut ignorer l’exotisme que véhicule les Shobijin, d’une part liée à l’île de l’Infant (traité dans un autre dossier), et d’autre part en raison de la beauté que dégage Emi et Yumi Ito, les jumelles qui interprètent les Shobijin (et également membres du groupe de musique The Peanuts).

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Du côté de la Daiei, les choses ne sont pas tout à fait pareil. La période Showa de Gamera laisse plus de place aux enfants plutôt qu’aux personnages féminins. Toutefois, dans Gamera Vs. Barugon, nous avons droit à un personnage de toute beauté, nommé Karen (interprétée par Kyôko Enami). La carte de l’exotisme est exploitée à son maximum, Karen fait partie d’une tribu de Nouvelle-Guinée et se distingue des autres par sa couleur de peau (nous avons l’impression d’une peau lumineuse). Le regard du spectateur est directement dirigé vers elle (en témoigne la photo ci-dessous).

 

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III/ A l’ère des nineties

 

La Toho réhabilite Godzilla en 1984. Mais ce qui nous intéresse a lieu dans le film suivant, Godzilla Vs. Biollante. Le film présente une nouvelle thématique vis-à-vis du monstre ennemi. Biollante voit le jour suite à la mort d’Erika, la fille du professeur Genichiro Shiragami. Une thématique imaginant que sa conscience se serait transposé dans une rose, la même qui servira à la création de Biollante y est développée, jusqu’à la fin du film ; où l’on retrouvera le portrait d’Erika dans le ciel après la disparition de Biollante, tel une âme quittant ce monde. D’ailleurs, cette relation professeur-fille-monstre n’est pas sans rappeler celle liée au Dr. Mafune.

 

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Dans le même temps, le film introduit un élément de continuité humain. Le personnage de Miki Saegusa (Megumi Odaka). Premier personnage régulier féminin, à l’exception des Shobijin, Miki Saegusa est une jeune télépathe qui collaborera à de nombreuses reprises avec l’UNGCC. Elle se liera d’amitié avec Godzilla Junior. Elle sera présente dans tous les films à compter de celui-ci.

 

Parallèlement, la Daiei rappelle lui aussi son monstre fétiche, Gamera, dans une trilogie réalisée par Shusuke Kaneko. A la différence de la Toho, Kaneko et son équipe ne vont pas introduire un mais deux personnages féminins réguliers. Le premier, la jeune Asagi Kusanagi est une jeune fille qui développe un lien emphatique avec Gamera, par l’intermédiaire d’une amulette. Elle est incarnée à l’écran par Ayako Fujitani, qui n’est autre que la fille de Steven Seagal. L’autre personnage est le paléontologue Mayumi Nagamine (interprétée par Shinobu Nakayama). Cette paléontologue se spécialisera par la suite dans l’étude des Gyaos (toutefois, elle n’apparaitra pas dans le second opus, mais reviendra dans le troisième épisode). Enfin, en parlant du troisième épisode, le personnage central de cet opus est également une jeune fille, Ayana, qui se liguera avec Iris, le monstre ennemi.

 

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Photo de groupe des actrices féminines de Gamera 3. De gauche à droite : Ayako Fujitani (Asagi), Ai Maeda (Ayana), Shinobu Nakayama (Pr. Nagamine) et Senri Yamazaki (Mito Asakura). Derrière, habillé en noir, on distingue Toru Teduka (l’assistant d’Asakura, Shin’ya Hirata), seul homme du groupe.

 

IV/ Renouveau post-2000

 

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Durant l’ère Shinsei, les choses sont plus ou moins différentes, car les réalisateurs ont tendance à mettre d’avantage en avant les personnages féminins. C’est ainsi que nous retrouvons des personnages tels qu’Akane Yoshito (qu’incarne Yumiko Shaku dans les deux films mettant en scène Kiryu). La jeune femme est le pilote de Kiryu dans Godzilla X MechaGodzilla (2002) et reviendra dans sa suite, mais dans un rôle un peu plus en retrait (elle ne pilote plus le robot mais continu à faire partie du Kiryu Squad). Toujours dans Godzilla X MechaGodzilla, pour la première fois depuis le début de la saga, le premier ministre au début du film est une femme (elle est incarnée par Kumi Mizuno, déjà citée plus haut).

 

Ruyhei Kitamura continu sur la route déjà tracée et nous offre deux personnages féminins dans son film, en plus de la charmante Kumi Mizuno que nous retrouvons en Commandant de l’Earth Defense Force.

 

Nous retrouvons donc Rei Kikukawa dans le rôle de la biologiste Miyuki Otonashi et Maki Mizuno (contrairement à ce que l’on pourrait penser, il n’y a aucun lien de parenté entre Kumi et Maki), qui incarne quant à elle la présentatrice de télé Anna Otonashi, et accessoirement la grande sœur de Miyuki. Contrairement à Miyuki, Anna aura un rôle plutôt réduit dans le film, même si elle pointera le doigt sur un détail important laissant présager l’invasion extraterrestre.

 

Il est important de parler du personnage joué par Chiharu Niiyama dans Godzilla, Mothra, King Ghidorah: Giant Monsters All-Out Attack, la reporter Yuri Tachibana, qui en enquêtant sur des phénomènes étranges, retrouvera la trace de son père, l’amiral Taizô Tachibana, avant d’apporter un message et de paix et d’espoir, alors que tout semble perdu : « Nos guerriers affrontent Godzilla avec toutes les armes qu’ils peuvent rassembler. Personne ne sais s’ils vont réussir. Tout ce que je peux faire, avec ma caméra, c’est filmer leur combat pour défendre notre liberté, sans tenir compte du danger afin que nos enfants aient un avenir. »

 

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Le rôle des femmes dans les kaijus eiga aura grandement évolué d’une ère à l’autre, passant d’une personnification de l’exotisme à des personnages à part entière. Au cours des dernière années, les personnages féminins auront des rôles plus importants dans l’histoire, à l’image de GMK où l’une sera littéralement porteur d’un message d’espoir ou dans Godzilla: Final Wars, où nous découvrons des femmes avec des rôles importants : l’une biologiste, l’autre présentatrice et l’une haut-gradée des forces de défenses.

 

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