Avec une filmographie de plus d’une cinquantaine de films, le genre du kaiju eiga offre un bestiaire assez conséquent. Afin de créer des monstres différents à chaque nouveau film (même si des monstres font leur come-back dans d’autres films, ils sont souvent confrontés à des figures inédites), les scénaristes ont puisé leur inspiration dans plusieurs domaines.

 

Ce dossier se focalisera sur les kaijus japonais uniquement (Toho, Daiei et indépendants).

 

I/ Le règne des sauriens

 

Pour commencer, parlons de quelques figures emblématiques.

 

Tout le monde aura remarquer que le King of Monsters tire ses origines des dinosaures, d’ailleurs assez bien énoncées dans les différents films. Bien que Godzilla soit capable de se dresser sur ses pattes arrières, il est inspiré du roi des carnivores, le Tyrannosaures Rex. Nous pourrons noter que dans Godzilla Vs. King Ghidorah (sorti en 1991), les origines du monstre sont pour la première fois clairement établies comme remontantes à la préhistoire. Un dinosaure, le Godzillasaurus, aurait survécu jusqu’en 1944 sur une île isolée et aurait été irradié par les bombes américaines, donnant ainsi naissance à Godzilla.

 

 

  

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A noter qu’un autre monstre de la Toho, Gorosaurus, aura par la suite droit aux mêmes inspirations. La morphologie, étant plus prononcée cette fois-ci.

 

Toutefois, le nom japonais, Gojira, étant la contraction des mots « Gorira » (gorille) et « Kujira » (baleine), on pourra imaginer que les scénaristes se sont inspirés des trois animaux : le physique du dinosaure et l’aspect bipède du gorille, associés aux attributs aquatiques de la baleine (Godzilla pouvant vivre sous l’eau).

 

Rodan est, quant à lui inspiré du Ptéranodon, un dinosaure volant de la race des Ptérodactyle. Son nom japonais, Radon, est issu du nom du dinosaure : Ptéranodon.

 

 

Un autre représentant de la race des dinosaures est évidemment, et cela n’aura échappé à aucun (vrai) fan du genre, Anguirus (ou Angilas selon certaines version). De par sa morphologie et son nom, il évoque l’Ankylosaure, un dinosaure herbivore ayant vécu au Crétacé.

 

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II/ Agressions animales

 

Hormis les dinosaures, le meilleur moyen pour scénaristes de dénoncer les dangers des essais nucléaires et de la génétique est de placer leur récits dans une réalité établie. Plusieurs monstres ennemis se révéleront être une sorte d’évolution d’animaux déjà existants.

 

Prenons comme exemples les insectes et les animaux marins.

 

A plusieurs reprises, les scénaristes ont fait intervenir des monstres faisant écho à des insectes :

 

Kamakiras (ou Kamacrus) est une mante religieuse (a.). Son nom japonais est inspiré de « kamakiri » qui signifie mante religieuse, tandis que son nom anglais, Gimantis, fait écho à « Giant praying mantis ». Kumonga quant à lui (ou plutôt à elle), s’inspire d’une araignée (tout le monde l’aura compris) puisque « kumo » en japonais signifie araignée (comme son nom anglais, Spiga, faisant écho au mot « spider »). Toutefois, il semble s’agir d’un type d’araignée assez particulier : la Leucauge venusta (b.). En effet, les tâches jaunes et noires sont assez similaires.

 

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La grande figure représentante de cette catégorie est sans conteste Mothra. Souvent apparentée à une mite géante, il s’agit plutôt d’un mélange entre plusieurs espèces. La couleurs des ailes rappelle les ailes de divers papillons, tandis que dans la trilogie de la fin des années 1990, elle est apparentée à une phalène. Mais, en anglais, « moth » correspond à « papillon de nuit », donc à une mite.

 

A contrario, Battra semble plus proche de la morphologie de la mite, plutôt que Mothra. On peut également assimiler la mite à quelque chose de négatif, comme ce que représente Battra. A l’inverse, Mothra serait plus un symbole positif lié à l’espoir.

 

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Le dieu que vénèrent les Seatopiens, Megalon est un mix entre cafard et dynaste (Dynastinae), un insecte de la famille des scarabées-rhinocéros. Les traits de ces deux insectes sont assez facilement décelable en voyant le monstre.

 

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Penchons nous maintenant vers le coté maritime avec quelques exemples marins :

 

Qui dit marin, pense tout de suite à Gamera. Le concurrent de Godzilla est inspiré quant à lui d’une tortue ; comme c’est le cas pour Kameba (un monstre plus ou moins équivalent made in Toho). De plus, on pourra remarquer la frappante ressemblance entre les deux noms, le mot « kame » signifiant « tortue » en japonais.

 

Même si le look de Gamera a changé au cours des films, la version Heisei ainsi que Kameba, semblent toutes les deux s’inspirer de la Tortue alligator (Macroclemys Temminckii), qui avait déjà servie de base à la Tortue géante de Godzilla, the Animated Series.

 

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Malgré l’étymologie de son nom, Ebirah (Ebi signifiant crevette en japonais) calque son apparence sur celle d’un homard ; comme c’est le cas pour Ganimes (même si le monstre semble emprunter certains de ses traits à une gambas).

 

 

III/ Diverses inspirations

 

La direction artistique, chargée de la conception des monstres s’est également inspirée de divers folklores ou mythes, sans oublier certains emprunts à la réalité pour concevoir les monstres.

 

Commençons par le plus emblématique de cette partie, le saint des saints, le Némésis du roi des Monstres. Je veux bien sûr parler de King Ghidorah. Son nom nous donne déjà une indication sur ses inspirations. En effet, Ghidrah tire ses origines dans la mythologie grecque, et plus particulièrement de l’Hydre. Ce monstre à 9 têtes disposait, selon la légende, de la particularité de pouvoir faire repousser ses têtes une fois tranchées. Cet aspect sera reprit dans les caractéristiques du monstre de manière plus subtile ; en effet, le monstre est un des rares à n’avoir été vaincu qu’un nombre dérisoire de fois.

 

En 1994, un autre film de la Toho, Yamato Takeru, met en scène un autre monstre inspiré du mythe de l’Hydre. Son nom est Orochi. Alors que King Ghidorah ne disposait que de trois têtes le nouveau venu en possède cinq de plus. Notons que dans GMK, un clin d’œil évoquera King Ghidorah et Orochi comme étant le même monstre. King Ghidorah ne disposant que de trois têtes en raison de son réveil trop rapide. Si il avait continué son sommeil, il serait devenu Orochi, le dragon à 8 têtes.

 

On peut également faire le lien entre King Ghidorah et une autre créature de la mythologie grecque : le Cerbère, chien à trois têtes, gardien des Enfers et pouvant cracher du feu.

 

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Détail d’un vase, présentant la confrontation entre Héraclès et l’Hydre.

 

Le dieu protecteur de la famille Azumi, King Seesar, puise son inspiration dans les statuettes évoquant les lions de Shisa, des créatures trônant dans les jardins, sur les toits de certaines habitations, ou montant la garde de certaines maisons. Ces créatures sont issues du folklore chinois, mais furent par la suite importées au Japon sous le nom de Kumainu.

 

Remarquez la ressemblance phonétique entre Shisa et Seesar.

 

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Biollante est le seul monstre végétal du bestiaire. Cette fleur carnivore tire sa physionomie des plantes du même nom, et principalement des Dionaea muscipula (ou Dionée attrape-mouche). Ces plantes ont la particularité de secréter un liquide sucré afin d’attirer leur proie. Le piège se referme en moins d’1/2 seconde après que l’insecte ait touché la paroi interne de la « bouche » de la plante.

 

Notons tout de même que les diverses caractéristiques de Biollante (ses lianes, sa forme rose, …) semblent provenir de plusieurs espèces de plantes. D’ailleurs, le monstre est né de manipulations génétiques, ce qui est ainsi rappelé de manière plus visuelle et sous-entendue.

 

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Hedorah est certainement un des monstres les plus intéressants en ce qui concerne les inspirations. Sans se focaliser sur ses yeux, inspirés d’organes génitaux féminins (le réalisateur en parle très librement dans une interview, allant même jusqu’à dire que les vagins sont des choses qui font peur), je m’attarderais sur la physionomie du monstre en lui-même. Né de la pollution grimpante, Hedorah (du japonais « hedoro » qui signifie « déchets ») est un amas de déchets toxiques. Ses créateurs se sont particulièrement inspirés de tas de boue que l’on peut trouver un peu partout sur le globe lors des coulées de boues.

 

De plus, le souffle sulfurique que le monstre dégage n’est pas sans nous faire ignorer certains geysers, comme ceux du parc national de Yellowstone aux Etats-Unis.

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En haut à droite : un exemple de tas de boue (Nouvelle-Zélande)

En bas : un geyser au parc de Yellowstone

 

Gabara, le monstre qui tourmente Minilla dans les rêves d’Ishiro (et surtout dans Godzilla’s Revenge) est inspiré de plusieurs personnages, dont les gobelins.

 

A l’origine, les gobelins, issus du folklore germanique, sont un peuple de petits êtres taquins qui prennent souvent un aspect animal. Ce sont les tentateurs du monde de la féerie mais tous les gobelins ne sont pas diaboliques. Il s’agit de petites créatures (en moyenne 1,40 mètres, des bottes jusqu’à la pointe des longues oreilles ressemblant à celles d’une chauve-souris) vivant dans les collines. Leur peau, de couleur  verte possède quelques poils à l’intérieur des oreilles et parfois sur les avant-bras. Ils ont un caractère particulier : ils sont en général renfrognés et grognons.

 

Le monstre s’inspire également en partie d’un Oni, créatures monstrueuses du folklore japonais, du point de vue de ses pouvoirs liés à l’électricité et la morphologie de son visage.

 

Le monstre, étant avant tout une créature imaginaire et établie comme un être malfaisant, il est donc normal de voir qu’il s’inspire d’un tel nombre d’êtres surnaturels et maléfiques, tels que les Oni, les trolls et les gobelins.

 

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De gauche à droite : Gabara, une représentation des Gobelins, et un Oni

 

Death Kappa, le monstre éponyme du film de Tomo’o Haraguchi, s’inspire du yôkai du même nom, décrit comme un génie des eaux Cet être maléfique est réputé pour attirer les enfants dans les rivières afin de les noyer, souvent en leur aspirant les organes.

 

 

Comme nous avons pu le voir, les inspirations sont multiples, et espérons que les scénaristes ne s’arrêterons pas là et continuerons à nous émerveiller avec de nouveaux monstres.

 

Voir aussi : Les inspirations de Godzilla, the Animated Series

 

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