2009 sera l’année du relief, qu’on se le dise. Et Dreamworks ouvre le bal avec Monsters Vs. Aliens, en salles le 1er avril, qui allie une histoire très fifties avec une technologie des plus actuelles. Un cocktail réussi.

 

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A gauche : Monsters Vs. Aliens est aussi  un hommage aux films de série B des années 1950, donc cultes, d’Hollywood. Dans cette image, tous les ingrédients sont là pour faire revivre cette période.

 

L’année 2009 sera donc définitivement celle de la 3D relief au cinéma. Tandis que les évenements (conférences, festivals, etc.) se multiplient (dont Dimension3 à Pantin en juin), Hollywood engrange les longs-métrages. En attendant le dernier Cameron en décembre prochain, Dreamworks concrétise son annonce de 2008 selon laquelle le studio utiliserait cette technologie sur tous ses « longs » avec Monsters Vs. Aliens, réalisé par Rob Letterman et Conrad Vernon.

 

Un hommage aux sacrés monstres

 

Jeffrey Katzenberg l’affirme haut et fort, et, bien que Conrad Vernon s’en défende un peu, Monsters Vs. Aliens et bel et bien un hommage aux films des années 50 avec son lot de monstres tels que Creature From The Black Lagoon, réalisé par Jack Arnold, The Fly de Kurt Neumann avec Vincent Price ou encore ces séries B mettant en scène des insectes géants mutants à la suite d’essais atomiques. Sans oublier le magnifique Attack of the 50ft. Woman de 1958 de Nathan Hertz…

 

Dans ce nouveau long-métrage, la jeune Susan se transforme, le jour de son mariage en un monstre de plus de 20 mètres. Sitôt grandie, sitôt capturée par l’armée  qui l’enrôle dans une ménagerie toute particulière : le Dr. Cafard à tête d’insecte, l’hybride macho de singe et de poisson appelé le Maillon Manquant, le gélatineux B.O.B. et le gigantesque Insectosaurus. Cette équipe va devoir combattre un mystérieux alien qui a décidé de détruire la planète. Le vaincre sera la clé de leur liberté…

 

Plus de 350 personnes à l’assaut de la 3D relief

 

A pari risqué, équipe de choc ! Pour ce film d’animation en « vraie » 3D stéréoscopique, Dreamworks a constitué une équipe de choc ; citons pêle-mêle Damon O’Beirne au poste de head of layout (Madagascar), David James sur celui de production designer (Flushed Away), les deux monteurs Joyce Arrastia (Shrek le troisième) et Eric Dapkewicz (Flushed Away), David Burgess comme head of character animation (Bee Movie). A ceux-ci s’ajoutent aux postes de visual effects supervisor Ken Bielenberg (Shrek le troisième), de digital supervisor Mahesh Ramasubramanian (Bee Movie). Enfin, la supervision stéréoscopique a été confiée à Phil « Captain 3D » McNally. On compte également, comme sur chaque production estampillée Dreamworks, un contingent important de français parmi lesquels Patrick Mate, Character designer et William Salazar, superviseur d’animation.

 

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La scène du mariage de Susan mise en scène par l’équipe de préproduction…      … puis le rendu final.

 

Des « characters » bien trempés

On l’a dit, le film d’appuie sur la fabuleuse galerie de monstres issus de la filmographie américaine des années 50. Mais, pour autant, ils ont leur propre personnalité. « Nous avons commencé à travailler à trois à partir d’un script fourni par les réalisateurs, qui était déjà bien étayé, se rappelle Patrick Mate. Comme designer des personnages, nous nous devions de garder cette ligne directrice tout en nous éloignant des références trop visibles. »

 

C’est donc en s’appuyant sur des dessins de Jack Davis (Tales from the Crypt notamment) mais aussi sur l’époque mythique de Mad Magazine que les personnages ont pris corps. « En général, nous partons de dessins très rough que nous scannons ensuite », explique l’ancien élève des Gobelins (il a 25 ans) et surtout collaborateur de Paul Grimault et Picha. « J’aime bien dessiner vite et ensuite plaquer des textures Photoshop afin de fournir à la dizaine de modeleurs le plus d’informations possibles ». Des informations précieuses notamment sur B.O.B. qui n’est pas sans rappeler le film The Blob des années 50… « Les questions de la transparence de son corps, de sa transluscence et de la façon dont la lumière rebondit sur son corps ont été des points de discussion importants, même si la création du personnage en elle-même a été des plus rapides. » Idem pour le Maillon Manquant, dont le caractère ichtyque induit un travail de réfraction important, mené dés la création du personnage, ou pour Susan et Insectosaurus dont les tailles représentent un point important, même a ce stade. « Un personnage très grand est plus difficile à gérer en termes de cinématographie car il faut sans cesse penser aux angles de caméras qui sont forcément très différents et cela a également fait partie de notre réflexion sur la création des personnages, surtout lorsqu’il y a interaction entre humains et géants. »

 

 

Conrad Vernon, co-réalisateur de Monsters Vs. Aliens à Paris

 

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Conrad Vernon

En mars, l’équipe du film était à Paris pour l’avant-première du film. L’occasion de rencontrer l’un des deux réalisateurs.

 

Lorsqu’on réalise un film en 3D relief, quels sont les écueils à éviter ?

Le risque principal est de faire un film en 3D relief tout simplement. Il faut à tout prix penser technique et se focaliser sur l’histoire sous peine de voir le spectateur sortir du film soit parce que le film n’est pas intéressant, soit parce que la technique est trop assommante. Nous avons donc intégré la technologie très en amont du processus afin qu’elle se cale à nos besoins et non l’inverse. Nous avons d’abord « créé » le film en 2D avant de le transformer. A chaque étape, prise de vue, animation, lighting, effets spéciaux, nous faisions des allers-retours entre la vision classique et celle stéréoscopique

et, si besoin, nous pouvions recomposer le plan. Le but était réellement d’intégrer des éléments de 3D stéréoscopique dans un scénario classique.

 

C’est pour cela que l’impression de 3D relief n’a pas la même intensité tout au long du film ?

Oui car vous seriez malade à la fin dans ce cas. Nous avons choisi des moments-clés, comme au début dans les plans de galaxie ou sur des jaillissements qui nous semblaient évidents. Maintenant, comme je l’ai dit, il ne s’agissait pas de truffer le film de relief mais de l’utiliser à bon escient, aux scènes les plus marquantes.

 

Comment avez-vous partagé le travail de réalisateur avec Rob Letterman ?

Pour qu’un film fonctionne, il faut que son réalisateur ait une seule vision. Donc, deux réalisateurs ne signifient pas que l’on double cet aspect. Au contraire, nous avons collaboré très étroitement et chaque point de détail a été validé à deux, en même temps. Si nous n’étions pas d’accord sur un plan, un cadrage ou autre chose, la discussion se faisait avant d’en parler aux équipes. Ainsi, toutes les personnes impliquées dans ce film ont pu avoir deux interlocuteurs mais un seul discours. C’est un gage de pérennité.

 

Vous disposez d’une large expérience à de nombreux postes : storyboarder, artiste layout, character designer et même voix pour certains films. Cette expérience est-elle, selon vous, l’assurance d’un bon réalisateur ?

Ce n’est pas à moi de le dire… Par contre, je dirais que, savoir dessiner n’est pas une fin en soi. Cela me facilite grandement les choses car, parfois, en un seul dessin, je parviens à expliquer plus facilement aux animateurs ce que je souhaite car nous sommes sur le même plan d’échange. Et je pense que chaque réalisateur devrait mieux appréhender les possibles problèmes à venir, et surtout, de savoir gérer au mieux une équipe qui a inclus, au total sur ce film, plus de 350 personnes.

 

Selon vous, la technique peut-elle s’avérer un frein à la créativité ?

Précédemment, je vous disais qu’avec un dessin rapide, je parvenais à faire passer une idée. Et c’était le cas avec l’animation manuelle. Mais parfois, il arrivait que l’on bloque sur un point, que l’on ne parvienne pas à trouver la bonne attitude, la bonne image. C’est ici qu’était le frein. Et puis, ne parlons pas de la productivité ! En animation 3D, il vous faut environ une semaine et demi pour 55 secondes d’animation sur la première passe et autant sur la seconde. En animation 3D, vous pouvez multiplier ce temps par trois, au moins ! La technique peut donc être un frein mais nous parlons ici de n’importe quelle technique. Pas forcément du 3D relief.

 

Une bonne gestion d’équipes

 

William Salazar, ancien assistant de Kristof Serrand et pionner de l’équipée Ambimation, a officié sur Monsters Vs. Aliens en qualité de superviseur d’animation avec une équipe de cinq animateurs. « En règle générale, il y a environ cinq équipes par film, donc cinq superviseurs sous la houlette d’un directeur d’animation. » résume-t-il en préambule. S’ils ne choisissent pas les séquences sur lesquelles ils vont travailler, les superviseurs d’animation sont tout de même orientés en fonction de leurs expériences et de leurs goûts. « Parmi les séquences qui m’ont été allouées, il y a la première avec deux humains dans la station en Antarctique qui détectent l’activité extraterrestre et celle, à la fin, de combat entre Susan et le robot. »

Les équipes sont constituées par contre entre superviseur. « La dream team, ce sont des animateurs qui n’ont pas besoin de superviseurs », ironise William Salazar. Plus prosaïquement, les quelque 30 animateurs sont répartis de façon homogène entre seniors et juniors, rapides et appliqués, fans de scènes de combat et de scènes plus intimistes, plus « acting ». « C’est un savant équilibre afin qu’il n’y ait pas une équipe plus faible que d’autres car la conséquence est négative pour toutes. »  Avec le board, l’animatique 3D et la feuille de route des metteurs en scène, chaque superviseur se retrouve, en quelque sorte, à la tête d’un mini court-métrage. « On propose des idées, une progression de l’action mais ce sont les réalisateurs qui disposent de la vue globale ».

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Ci-contre : La séquence de combat entre Susan et le Robot a été supervisée par William Salazar, un ancien élève des Gobelins, pionnier de l’aventure Amblimation et parmi les premiers à rejoindre Dreamworks. Pour cette séquence, il s’est inspiré à la fois de l’humour des 3 Stooges (la blague des yeux) mais aussi des figures classiques de combat : « l’idée est de fournir du début à la fin de la séquence un arc de progression pour que l’action se termine correctement avant la prochaine ».

 

Parmi les personnages préférés de William Salazar, Gallaxhar, l’alien mégalo et fan de clonage. « Sa bouche et ses deux paires d’yeux sont, en soi, des personnages à animer. Pour cela, je me suis inspiré des 3 Stooges et de leur humour très slapstick ». C’est flagrant sur la scène du thé que prend notre envahisseur, toute en jaillissement stéréoscopique. « Il ne fallait pas donner de maux de tête aux spectateurs, aussi nous concentrions-nous sur des moments importants ou très visuels ». Ce sont donc quelque 20 secondes de pure stéréoscopie à savourer, avec un nuage de lait.

 

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Hugh Laurie, du « Dr House », prête sa voix au Dr Cafard.

Une 3D mesurée

On l’a dit, Dreamworks, pour son coup d’essai, ne voulais pas se planter. C’est donc sous la supervision de Phil McNally que la 3D relief a été intégrée par petite touche. « L’animation se faisait au quotidien et, le matin, nous visionnons nos secondes d’animation sur grand écran, tous ensemble, avec des lunettes, pour être certains que nous n’allions pas dans une mauvaise direction », rappelle William Salazar. Chaque jaillissement est pensé, adapté ; la main de Susan sortant de l’écran a été ainsi ajustée, pour na pas toucher ni le haut, ni le bas de l’écran. Et pour éviter les effets de strobing (ou de fatigue oculaire) tout mouvement trop rapide de caméra a été totalement proscrit.

 

« La dynamique vient de la profondeur », résume Damon O’Beirne, Head of Layout qui a travaillé de façon très étroite avec l’équipe 3D. « Nous nous sommes vus chaque jour et avons toujours visionné les rushes ensembles pour décider des changements à opérer : fallait-il faire un mouvement d’appareil dans ce plan ? Changer d’objectif ? Peaufiner la stéréo ? La 3D n’est pas une dimension additionnelle qui se superposerait à la mise en scène, elle en fait partie intégrante », complète Phil McNally, à qui l’on doit la conversion en 3D de Chicken Little, ainsi que Bienvenue chez les Robinson. Comme à chaque fois, Dreamworks a développé ses propres outils pur mettre en place

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Pour les proses de vue, Dreamworks s’est appuyé sur une caméra permettant de figurer absolument tout les déplacements d’une prise de vues réelles.

ce qu’ils appellent InTruTM 3D, permettant à ses artistes de voir directement en relief les plans sur lesquels ils travaillaient et de savoir très exactement ce qu’ils donneraient sur grand écran. Dreamworks a donc réussi son pari technique d’une 3D relief agréable à visionner, même si l’histoire ne s’avère pas toujours à la hauteur. Le prochain essai se fera avec How to Train Your Dragon actuellement en préparation. Et Kung Fu Panda 2 démarrera pour sa part en juillet prochain.

François Chevalier (Extrait de Sonovision Broadcast n° 539 ; Avril 2009)      

 

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