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Autrefois considéré comme un des pionniers de l'industrie cinématographique américaine, le studio RKO Pictures est aujourd'hui pour plusieurs un nom évoquant une période révolue du cinéma. Pourtant, la RKO, une des Majors de l'époque, connue l'apogée au cours des années 1930-1950. Ce studio fut celui à qui l'on doit plusieurs classiques du cinéma américain, dont Cimarron (1931), King Kong (1933), Citizen Kane (1941), Suspicion (1941), The Magnificent Ambersons (1942), It's a Wonderful Life (1946) et Stromboli (1950). De plus, c'est par la filière RKO que bon nombre des premiers chef-d’œuvres de Disney furent distribués: Blanche-Neige et les Sept Nains (1937), Fantasia (1940), Pinocchio (1940), Dumbo (1941) et Bambi (1942).

Malgré un catalogue tout aussi impressionnant, rien ne put empêcher la fermeture du studio en 1957.

 

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Le logo de la RCA

 

I. Fondation de la RKO Pictures

 

La RKO Pictures fut fondée en 1928 à la fin de l'ère du cinéma muet. À cette époque, la Radio Corporation of America (RCA), en association avec la General Electric, avait déjà conçu un procédé sonore appelé Photophone. Toutefois, la RCA n'avait pas encore réussi à obtenir l'appui financier d'un studio hollywoodien, ceux-ci préférant le Movietone de la Fox et de la Western Electric.

 

Afin de remédier à cette situation, le président et fondateur de la RCA, David Sarnoff, s'associa avec le financier Joseph P. Kennedy, patriarche de la famille politique du même nom, qui détenait un petite compagnie de production de films, la Film Booking Office (FBO).

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Le logo de Radio Keith Orpheum

 

 

 

Avant la fin de l'an 1928, Sarnoff et Kennedy parvenaient à fusionner Photophone, FBO et la chaîne de salles de cinéma Keith-Albee-Orpheum Circuit, anciennement connue en tant qu'empire de salles de spectacles vaudevilles. Ce partenariat mena à la création de la Radio Keith Orpheum (Albee étant décédé au moment de cette association), communément nommé par l'acronyme RKO.

 

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II. Premières productions

 

Bien que reposant sur des assises financières instables, la RKO débuta sa production cinématographique avec Syncopation (Bert Glennon, 1929), qui se solda avec un succès instantané au box-office lors des deux premières semaines de projection à l'Hippodrome Theater de New York.

 

Le style très reconnaissable de ses premières productions et la liberté accordée aux artisans favorisèrent la venue à ce studio de personnalités importantes de l'industrie; aussi bien des cinéastes (George Cukor, John Cromwell, Gregory La Cava, John Ford, Jacques Tourneur et, bien sûr et surtout, Orson Wells), que des producteurs (David O. Selznick, Merian C. Cooper, Pandro S. Berman, Val Lewton) ou des acteurs (Constance Bennett, Katharine Hepburn, Fred Astaire et, plus tard, Robert Mitchum). Au cours des années 30, la RKO produisit essentiellement des comédies, des mélodrames et même quelques comédies musicales (alors chasse gardée de la MGM). Ces films se démarquèrent visuellement par une photographie raffinée (en opposition aux films de la Warner), sans ostentation, et par les beaux décors Arts déco de Van Nest Polglase, responsable de ce département du studio jusqu'à la dissolution de la compagnie.

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Cette période sera celle de Cimarron (Wesley Ruggles, 1931), King Kong (Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, 1933), Little Women (George Cukor, 1933) et Flying Down to Rio (Thornton Freeland, 1933), ce dernier lançant le tandem Fred Astaire/Ginger Rogers. Cependant, la Grande Dépression des années 30-40 affaiblit drastiquement les assises financières de la compagnie: suite à la fusion avec Pathé Pictures en 1931, l'action de la RKO se transigeait à 10$ pièce; pendant cette période, l'action dégringola à 1,75$.

 

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Ginger Rogers et Fred Astaire dans Swing Time (1926), leur sixième film ensemble

 

 

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Orson Wells, Citizen Kane (1941)

 

III. La seconde décennie des succès

 

Les années quarante débutèrent de belle façon pour la RKO, et l'arrivée de George Schafer à la tête de la direction de la production en 1938, n'y est pas pour rien. Avec la promesse de faire de la RKO une seconde MGM, Schafer mit rapidement en production le succès théâtrale Abe Lincoln in Illinois (John Cromwell, 1940), ainsi que Citizen Kane (1941) et The Magnificient Ambersons (1942), tous deux réalisés par le mythique Orson Wells. Le maître du suspense, Alfred Hitchcock, récemment arrivé en Amérique, participa également au succès de la RKO avec Mr. and Mrs. Smith (1941), Suspicion (1941) et Notorious (1946). Cependant, lorsque Schafer quitta la RKO en 1942, son successeur, Charles Koerner, opta pour la production de films de série B dont les risques financiers sont moindres. Il délaissa du même coup les productions d'envergure.

 

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Jacques Tourneur, I Walked With a Zombie (1943)

Les films tournés ne furent toutefois pas synonyme de médiocrité. Bien au contraire, de nombreuses œuvres plus modestes et discrètes y virent le jour, tels que les classiques de l'horreur The Cat People (Jacques Tourneur, 1942), I Walked With a Zombie (id., 1943), The Body Snatcher (Robert Wise, 1945), tous produits par Val Lewton. Cette période sera également celle du film noir comme Murder, My Sweet (Edward Dmytryk, 1944) et Out of the Past (Jacques Tourneur, 1947), et de films audacieux et originaux comme They Live by Night (Nicholas Ray, 1949).

 

Au cours des années 40, la RKO se lança dans un nouveau créneau de marché en distribuant via son réseau des films qu'elle n'avait pas produit. Le studio obtint, entre autres, les droits de distribution d'une quinzaine de films d'animation de Walt Disney, allant de Blanche-Neige et les Sept Nains (David Hand, 1937) à Peter Pan (Clyde Geronimi, Wilfred Jackson et Hamilton Luske, 1953), ainsi que The Pride of the Yankees (Sam Wood, 1942) et The Best Years of Our Lives (William Wyler, 1946).

 

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Le magnat Howard Hugues

 

IV. Howard Hughes: le début de la fin pour la RKO

 

Le ciel bleu de la RKO s'assombrit en 1948 avec l'achat de 929 000 parts de la compagnie par le millionnaire Howard Hughes, ce dernier devenant ainsi actionnaire majoritaire de la RKO. Bien que le célèbre personnage modifia largement le paysage cinématographique américain, plusieurs se souvienne plutôt de son tempérament bipolaire ou des dernières années de vie qu'il passa en totale réclusion dans une chambre stérile, effrayé par les germes et microbes environnants. Selon la rumeur, Hughes aurait acquis la RKO pour seulement un million de dollars de plus que ce qui lui en coûta pour bâtir son Spruce Goose, un avion-cargo à hélices.

 

Tout d'abord, Hughes en profita pour lancer ses protégées (Jane Russell, puis Faith Domergue). Par la suite, Hughes confirma le talent de l'acteur Robert Mitchum (le meilleur coup de sa carrière), d'abord dans une excellente série de films noirs, puis dans des œuvres plus fraîches, comme The Lusty Men (1952). Malheureusement, la production cinématographique lassa rapidement Howard Hughes et peu à peu il laissa la compagnie péricliter. Dès lors, la gestion de la RKO fut négligée et l'administration devint déficiente. Après des mises à pieds massives (réduction de 2 500 employés à 600), Hughes débuta le morcellement de l'entreprise en vendant certains titres du studio. Ce dernier alla même jusqu'à fermer la RKO pendant des semaines afin de tenter de contrôler la poussière dans l'air ambiant et de réviser son testament. De plus, en 1952, Hughes ferma le studio temporairement afin d'instaurer un système de filtrage permettant d'identifier et de congédier les sympathisants communistes. En 1955, la mégalomanie et la paranoïa de Howard Hughes eurent définitivement raison des beaux jours de la RKO.

 

V. Soins intensifs pour la RKO

 

Howard Hughes vendit finalement la RKO Pictures Inc., maintenant entité distincte de la RKO Theaters Corp., à la General Teleradio, Inc., une filiale de la General Tire and Rubber, créant du même coup la RKO Teleradio Inc.. Rebaptisé RKO General Inc. en 1959, l'entreprise se concentra sur le tournage de petits films et de courts métrages destinés à la télévision. Par la suite, la RKO fut vendu de nouveau, cette fois-ci, passant aux mains des productions Desilu, compagnie de production télévisée appartenant à Desi Arnaz et Lucille Ball. La RKO participa ainsi à la production de la série populaire I Love Lucy (1951-1957), ce qui demeure tout même mieux que la transformation de l'entreprise en une usine à pneus, tel que prévu précédemment. Au cours des trente ans qui suivirent, la RKO fut restructurée et subdivisée en plusieurs entités corporatives, pour ensuite s'évanouir dans l'oubli.

 

VI. Récents développements

 

Au cours des années 80, la division RKO Theaters Corp., détenant la chaîne de salles de cinéma, se joignit au groupe Cineplex Odeon (du moins pour ce qu'il en restait). Quant à la division cinématographique, elle fut achetée en 1989 par un couple résidant à Hollywood, soit Dina Merrill et Ted Hartley. Bien que modeste, la nouvelle entreprise, encore aujourd'hui nommée RKO Pictures, produit toujours quelques films (le plus important d'entre eux constitue le film Mighty Joe Young

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Le nouveau logo de la RKO

 (Ron Underwood, 1998) que la RKO a co-produit avec Walt Disney Pictures).

 

VII. Le DVD et les films produits par la RKO

 

Conséquence directe du déclin de l'entreprise, le catalogue de la RKO fut quasi entièrement vendu à des studios autrefois compétiteurs. Howard Hughes ayant débuté la fragmentation de la collection RKO, les propriétaires subséquents furent forcés à aggraver cette hémorragie des œuvres propres à la RKO, conséquence directe des larges déficits accumulés par le studio. Bon nombre des films de l'entreprise trouvèrent preneur chez Warner Bros. (via, entre autres, sa division Turner Home Video), celle-ci s'étant procurer la grande majorité du catalogue RKO. La mise en marché des titres RKO en format DVD s'effectue donc de façon indépendante, chacun des studios propriétaires ayant carte blanche quant à la mise en marché, tant au niveau cinéma que vidéo. À l'exception de certains succès indiscutables (Citizen Kane, It's a Wonderful Life, Notorious, etc.), les titres de la RKO représentent malheureusement bien peu d'intérêt pour les studios propriétaires de ces œuvres; leur restauration, transfert en format numérique et mise en marché requiert des investissements importants que peu d'entre eux sont prêts à assumer. Aux dires des dirigeants de la Warner Bros, il y a de nombreux titres du catalogue RKO en piteux état, nécessitant du fait même de sérieuses restaurations. Ces titres étant populaires surtout auprès des cinéphiles et amateurs du cinéma des années 30-40, les chances de voir ceux-ci édités en format DVD demeurent, selon la Warner, assez faibles.

 

 

VIII. Conclusion

 

Contrairement au phœnix des légendes, la RKO ne parvint jamais à renaître de ses cendres, incapable se remettre des coups fatals que l'administration Hughes lui infligea. Bénéficiant jadis d'une solide réputation, d'une imposante chaîne de salles de cinéma et d'artisans d'envergure, la RKO était pourtant prédestinée à un avenir prometteur.

 

Comme quoi le succès est une chose bien fragile...

 

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